Hotel ile Saint Louis Paris

février 12, 2008

Ile Saint Louis : Balade par Michel Ostertag

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Douzième balade
Dans l’Île Saint-Louis

Deuxième partie
  –
Voir le site de l’auteur pour en savoir plus sur cet écrivain promeneur intelligent au regard amusé et à la prose pleie d’humour qui se balade à Paris pour notre plus grand plaisir.

– Une fois la pointe de l’île contournée, nous passons devant le square dédié au sculpteur et peintre Barye, que nous visiterons au-cours d’une prochaine balade. À présent, mon cher neveu, nous pouvons continuer notre périple à-travers l’île St-Louis en empruntant le quai d’Anjou.

– Devant le n° 1, nous sommes au pied de l’Hôtel Lambert, bâti en 1640 et dont l’entrée, en fait, est au n° 2 de la rue Saint-Louis-en-l’Ile perpendiculaire au quai. Façade, rotonde et jardin sont des plus magnifiques qui soient. Le tout jeune Le Vau montra ici ses immenses qualités d’architecte en sachant construire la plus magnifique des demeures du XVIIIe siècle. Les peintres Lebrun et Lesueur travaillèrent cinq ans à décorer l’intérieur. On doit à Lebrun une galerie d’Hercule qui annonce la galerie des glaces de Versailles. Cet hôtel avait été construit pour un trafiquant notoire : Jean-Baptiste Lambert. À sa mort, quatre ans après, c’est son frère Nicolas Lambert de Thorigny dit Lambert le Riche, Président à la Chambre des comptes qui en devint propriétaire. Sa charge qu’il remplit pendant 46 ans lui valut une immense fortune. Il fut condamné par une amende d’un million de livres pour sa compromission au moment du procès de Fouquet. Il pouvait payer, car il possédait 14 maisons dans l’île !

           En 1729, la propriété fut acquise par le fermier général Dupin et dix ans après par le marquis du Châtelet dont la femme eut pendant plus de 15 ans une liaison avec Voltaire. Il fut également la propriété de la princesse Czartoryska dont son époux  fut banni de sa patrie en 1813 après le soulèvement des Polonais contre les Russes. Il y mourut en 1861, à l’âge de 90 ans. Il y donnait des fêtes somptueuses et l’hôtel devint un foyer culturel polonais (où l’on y rencontrait George Sand et Chopin, Delacroix, et surtout le poète Adam Mickiewicz de la bibliothèque polonaise du n° 6 du quai d’Orléans). Dans les années d’après-guerre, il a été habité par la comédienne Michèle Morgan et son mari Henri Vidal. Il appartient aujourd’hui à la famille Rothschild. Sur le quai, juste en face, sur le parapet, une petite plaque en émail indique le niveau de la crue de janvier 1901.  Au n° 3, c’est l’Hôtel du XVIIe siècle construit par Le Vau pour lui-même. Sa façade est la continuation de celle de l’hôtel de Lambert. Par la suite, cette maison devint une annexe de l’hôtel. Dans l’île, cet architecte construisit un grand nombre d’hôtels et maisons particulières : l’Hôtel de Lambert, de Lauzun, de Hasselin…
Le Vau avait épousé la fille d’un notaire qui était propriétaire du terrain voisin à celui de l’hôtel de Lambert, ainsi ce fut facile pour lui d’édifier un hôtel sur ce terrain.

– Et pardi !

Ses quatre premiers enfants naquirent ici, sa mère y mourut. Il habita cet hôtel de 1642 à 1650, alors qu’il travaillait à l’Hôtel Lambert tout proche. Une fois disparu, en 1670 son hôtel fut la propriété de la famille de La Haye qui était déjà propriétaire de l’hôtel de Lambert. Cette famille s’empressa de réunir les deux bâtiments.

– On n’est jamais si bien servi que par soi-même ! …

Au n° 5, de 1640 : Petit hôtel de Marigny. Il avait été construit pour un marchand de fer ! Cet hôtel, entre autres, eut comme propriétaire le descendant de Rennequin, l’un des créateurs de la machine de Marly, considérée par Louis XIV comme la huitième merveille du monde. La machine de Marly avait pour fonction d’amener l’eau aux fontaines du parc de Versailles.

Au n° 7, hôtel de la même époque que le précédent. Il a été construit pour le même propriétaire. Depuis 1843, il est le siège de la corporation des maîtres boulangers. La plaque explique : « 1642. Hôtel construit pour Jacques Brebart marchand de fer. Siège de la corporation des Maîtres-Boulangers depuis 1843 ».

Aux  nos 15, 13, 11, 9, ce sont des hôtels construits en 1641 et 1642 pour Jean-Baptiste Lambert, déjà propriétaire de l’hôtel de Lambert. Après lui, ces hôtels appartinrent à ses héritiers qui, d’abord, les louèrent puis ensuite les vendirent.

Le n° 9. Au dernier étage, Honoré Daumier, dessinateur et caricaturiste habita de 1846 à 1863, soit 17 ans. Il y demeura jusqu’au moment où il devint aveugle. Sa mère mourut ici. L’atelier de lithographie qu’il avait installé a été fréquenté par les peintres de son époque comme Millet, Delacroix, etc.

Au n° 15, datant de 1645, cet hôtel a été construit pour Nicolas Lambert de Thorigny président de la Chambre des comptes. Le Vau est l’architecte présumé.

Au n° 17, c’est l’Hôtel de Lauzun. Actuellement en travaux, malheureusement pour nous. Charles Gruÿn (fils d’un tavernier enrichi), alors commissaire provincial de l’artillerie acheta en 1641 un terrain à un certain des Bordes sur lequel il fit bâtir cet hôtel quinze ans plus tard. Par la suite, Charles Gruÿn devint commissaire général des vivres de la cavalerie légère et était intéressé dans la gabelle. Il épousa une veuve dont le mari défunt avait été maître d’hôtel d’Anne d’Autriche. Il se fit appeler Gruÿn des Bordes. Il est vraisemblable que l’hôtel fut construit par Le Vau entre 1656 et 1657. Il n’eut pas l’occasion de vraiment profiter de sa belle demeure, car Colbert le fit poursuivre pour malversation en 1662 et ses biens furent confisqués, mais pas l’hôtel car il avait été mis au nom de sa femme lors de son mariage !

– Pas fou, le gars !

Quand il mourut en 1680, quinze ans après sa femme, ses deux enfants renoncèrent à la succession par peur des dettes à rembourser! En 1682, les hommes d’affaire vendirent l’hôtel à Antonin Nompar de Caumont, comte puis duc de Lauzun, (1633-1723), alors âgé de 49 ans. Celui-ci venait de passer neuf ans au fort de Pignerol où Louis XIV l’avait fait enfermer pour l’empêcher d’épouser la duchesse de Montpensier, la Grande Mademoiselle, cousine germaine du roi. Libéré en 1681, il reçut une somme de 400 000 livres en compensation de ses biens confisqués et il lui fut prescrit de se tenir toujours à deux lieues de distance du roi. Il épousa aussitôt la Grande Mademoiselle et acheta l’hôtel de Gruÿn des Bordes. Il y résida trois ans à peine, car le ménage n’allait pas fort. Ils finirent par se brouiller définitivement en 1684. L’année suivante, il vendit son hôtel au petit-neveu du cardinal de Richelieu.

En 1779, l’hôtel fut vendu au marquis de Pimodan, « mestre de camp de cavalerie », il fut connu sous le nom de Hôtel de Pimodan. Après la Révolution, l’hôtel eut plusieurs propriétaires, dont Jérôme Pichon, auditeur au Conseil d’Etat, bibliophile et collectionneur qui le loua à Baudelaire entre 1843 et 1845. Le poète habita au second étage un petit appartement donnant sur le quai et dont le loyer annuel était de 350F. Habita également ici, en 1845, le peintre Ferdinand Boissart qui y fonda le  « Club des haschischins ». Théophile Gautier en 1845 y fut aussi locataire. Meissonnier fréquenta aussi ce club. Dans ce club très spécial, on goûtait à une sorte de confiture, mélasse faite d’un mélange de chanvre indien, de miel et de pistaches et Théophile Gautier écrivait que « sa digestion vous plongeait dans une hébétude délicieuse mais fatale… » En 1899, la Ville de Paris l’acheta à Jérôme Pichon pour 300 000 F avec comme idée d’en faire un musée de l’art décoratif du XVIIe siècle. Comme la ville abandonna l’idée, elle revendit l’hôtel en 1905 au propre petit-fils de Jérôme, Louis Pichon. Celui-ci entreprit la restauration définitive de l’hôtel et le mit dans l’état où il se trouve actuellement. La Ville de Paris le lui racheta en 1928 pour 4 millions de Fr. Aujourd’hui, l’hôtel de Lauzun sert à des réceptions de galas.

Au n° 21, de 1637. Hôtel construit en 1637 par Le Vau pour un conseiller et maître d’hôtel du roi.

Au n° 23, de 1642. Hôtel du ci-devant président Perrot. Ici demeura le sieur Gabrile Sionite maronite de Liban. Professeur d’arabe au Collège de France.

Au n° 33, de 1640. Maison de Marin Le Roy, sieur de Comberville, titulaire du 21e fauteuil à la fondation de l’Académie française. Plaque.

Au n° 39, de 1727. Propriété ayant appartenu à un contrôleur de rentes. Aujourd’hui, au fond de la cour, Théâtre de l’Ile St-Louis. Petit théâtre plein de charme. Voir photo.

            – L’endroit est magnifique ! Regarde la verdure ! Ce n’est pas croyable, en plein cœur de Paris !

Aux  41 et n° 43 se situait le magasin de nouveautés Au Petit Matelot ( de 1790 à 1932) évoqué par Balzac dans son roman César Birotteau.

 Quai Bourbon

– Sous la Révolution, ce quai s’appelait Quai de la République.
– Au n° 1, propriété appartenant au procureur de la prison du Châtelet, puis à ses descendants. Au rez-de-chaussée, se trouvait le cabaret du Franc-Pinot, du XVIIe siècle. Il fut fermé en 1716, car la police trouva dans ses caves une grande quantité de libelles et de pamphlets à l’encontre du Régent, Philippe d’Orléans. Aujourd’hui, c’est un bar à vins et restaurant.

– Au n° 3, c’est une curiosité, mon neveu, à ce numéro, il y avait, pendant la guerre de 1914-1918, une magnifique boutique d’épicerie datant de Louis XV. C’était parait-il quelque chose d’unique! Un antiquaire a fait démonter les boiseries et les a revendues au Metropolitan Museum de New-York… Extraordinaire, non!

Au n° 11, de 1636. C’était, en fait, deux immeubles de rapport construits l’un derrière l’autre, pour le compte du peintre du roi Louis XIII et de Marie de Médicis, Philippe de Champaigne. De 1830 à 1852, c’était le Commissariat de police du quartier.

            Au n° 15, de 1637. Propriété de Jean de Charron, contrôleur de l’extraordinaire des guerres en Picardie. Le peintre Philippe de Champaigne a peut-être eu son atelier ici, au fond de la cour, côté gauche, dans la grande pièce au 1er étage. C’est dans cette pièce que le peintre et poète Emile Bernard (1868-1941) eut son atelier où il mourut à 73 ans. Il est le créateur du synthétisme et l’initiateur de l’évolution du groupe de Pont-Aven. Il est considéré comme le père du symbolisme. Vécut ici vers 1840 le peintre des batailles Meissonnier (1815-1891).

            Au n° 19, de 1635. Propriété de Nicolas de Jassaud, maître des requêtes. Cet endroit est célèbre grâce au sculpteur  Camille Claudel, sœur du poète et dramaturge Paul Claudel. Elle a habité ici de 1899 à 1914. On peut lire sur la plaque :  Camille Claudel 1864-1943. Vécut et travailla dans cet immeuble au rez-de-chaussée de 1899 à 1913. À cette date prit fin sa brève carrière d’artiste et commença la longue nuit de l’internement. « Il y a toujours quelque chose d’absent qui me tourmente ». Lettre à Rodin. 1886.           

Au n° 25 : Hôtel de Nevers qui  portait à l’origine le nom de maison du roi Henri III.

Au n° 31 : L’écrivain Charles-Louis Philippe (1874-1909) a habité cet immeuble de 1905 à 1907. Employé modeste, fils de sabotier, il a été le romancier des humbles : lire Bubu de Montparnasse (1901) et Croquignole (1906).  

Au n° 43, de 1658. Hôtel construit par Charles Toizon et Anne Le Vau, sœur de Louis Le Vau. Très belle façade blanche et balcons bleus et balustrade.

Aux n° 45 et 47. Hôtel construit, en 1659, pour lui-même, par le frère cadet de Louis Le Vau, François Le Vau. En façade, deux médaillons du XVIIIe siècle, représentant Hercule abattant Nessus. Ces médaillons ont donné le nom de « Maison du Centaure » à cet hôtel. L’écrivain Charles-Louis Philippe a été locataire d’un petit logement au 3e étage d’octobre 1907 jusqu’à sa mort en 1909, à 35 ans. À cet étage a habité pendant plus de quarante ans Louise Faure-Favier qui reçut un grand nombre de personnalités de son époque telles que : Apollinaire et Marie Laurencin, Giraudoux, Carco, Max Jacob, Cocteau, Léautaud, entre autres.

De même, au 1er étage, la princesse Bibesco tint longtemps un salon littéraire fort réputé. Elle mourut ici en 1973. C’est un endroit unique pour sa vue exceptionnelle sur le Seine et la cathédrale de Paris.

Au n° 49, immeuble construit également en 1659, par François Le Vau qui y mourut en 1676, à l’âge de 63 ans.

Au n° 51, immeuble construit également par François Le Vau en 1659. Douze ans après, il le cède au neveu du peintre Philippe de Champaigne. C’est à lui qu’est due la décoration intérieure de l’église Saint-Louis-en-l’Ile. Il faut dire qu’il en était marguillier. (Le marguillier est un laïc qui est chargé de la garde et de l’entretien d’une église).

Au n° 53, l’immeuble a été construit comme le n° 43 par Charles Toizon. En 1685, ce fut la propriété d’Hubert Graillet qui avait épousé la femme de François Le Vau après la mort de celui-ci. Le poète symboliste Stuart Merril (1863-1915), d’origine américaine a habité le plus bel étage de cet immeuble.

Le n° 55 a été construit, en 1686, pour un gentilhomme du duc d’Orléans.

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